Fake news, rumeurs, intox... Stratégies et visées discursives de la désinformation 

 Université de Pise, 4 et 5 octobre 2018

intox

Appel à communications > Appel à communications

« [La rumeur est] glauque et grise, insidieuse et sournoise.

Elle glisse entre les doigts comme la muqueuse immonde autour de l’anguille morte. »

(Pierre Desproges)

 

Fake news, rumeurs, intox, mensonges, faits alternatifs, contre-vérités … Autant de dénominations pour des phénomènes similaires qui semblent être à l’ordre du jour dans l’ère « post-vérité », marquée par un foisonnement exponentiel des sources d’information.

S’il est vrai que « la rumeur est vieille comme le monde », il est tout aussi vrai que le l’usage massif d’Internet a contribué à la recrudescence de la diffusion de fausses nouvelles, notamment à travers les médias, la blogosphère et les réseaux sociaux  (Heiderich, 2004 ; Aron et Cognard, 2014 ; Harbulot, 2016). Internet serait ainsi « le médium rêvé de la rumeur » (Froissart, 2002) puisqu’il permet à n’importe qui de publier et de diffuser les nouvelles les plus disparates, jouant sur les peurs des internautes.

Dans un climat de scepticisme généralisé, où la confiance dans les institutions et l’élite politique est de plus en plus fragilisée, les « intox » ou informations trompeuses s’instaurent dans le débat public, nourrissent les théories du complot au succès grandissant, s’exprimant parfois à travers des propos haineux.

Les polémiques suscitées par la rumeur, alimentées par des questions politiques et/ou sociales (résultats d’élections truqués, attentats, migrants…) semblent être les plus nombreuses, mais celle-ci touche également d’autres domaines, comme les sciences ou la technologie (Doumergue, 2017). Son impact se répercute dans le débat public qui semble dès lors biaisé, et déstabilise le consensus des citoyens. Il suffit de penser aux controverses récentes autour des vaccins ou des scandales alimentaires qui ont suscité de violentes disputes sur les réseaux sociaux et ailleurs.

Par ailleurs, la pratique de la désinformation semble être répandue au sein des milieux politiques : songeons, par exemple, à la mystification de l’information opérée par les médias dans le but de fabriquer le consentement populaire (Geng, 1973), ou aux cabinets noirs qui sont en fait des services spécialisés dans la propagation de fausses nouvelles pour décrédibiliser les adversaires politiques. Pour ce qui est du domaine économique, la désinformation est un moyen de se défaire des concurrents, et s’avère être ainsi un élément crucial dans la guerre économique (Harbulot, 2016).

Nous essaierons de réfléchir autour des questionnements suivants :

- Peut-on définir ce qu’est une « fake-news » (ou information trompeuse), un « fait alternatif », une fausse nouvelle, une intox, etc… ?

- Comment les auteurs de ce type d’information mettent-ils en place un contre-discours polémique par rapport à un discours officiel, institutionnel et dominant ? Quelles sont les modalités linguistiques et argumentatives de ce contre-discours ?

- Comment réagissent les acteurs sociaux face à cette désinformation présupposée ? Peut-on démystifier les fausses nouvelles et quelles sont les modalités linguistiques par lesquelles se construit cette démystification, qui est à son tour un contre-discours? (rubriques de « désintox » dans les médias, « fact checking », blog du Décodex du journal Le Monde etc.)? Quelles sont les stratégies argumentatives à même d’établir ou de rétablir ce qui est présenté comme « vérité factuelle » ?

- En quoi la pratique de la désinformation se rapproche-t-elle d’un discours manipulatoire ? Dans ce cas, comment mettre en évidence les stratégies de rhétorique discursive, les actes de discours implicites qui ont pour but de fourvoyer l’auditoire (métaphores abusives, amalgames, arguments fallacieux… cf. Perelman, Tyteca [1958], 1983 ; Koren 2011, 2012 )? 

L’objectif de ce colloque est d’analyser l’intox au prisme des sciences du langage. Sans s’y limiter, les contributions pourront aborder les thèmes suivants :

  • L’« intox » (ou information trompeuse) en tant que genre textuel/discursif ;
  • Constructions narratives, modalités linguistiques, stratégies et visées discursives dans les intox, fake news, fausses nouvelles, désinformations… ;
  • La phraséologie dans l’intox : motifs, schémas et thèmes récurrents ;
  • Rapport entre intox, fachosphère et discours de haine ;
  • Rapport entre désinformation et discours (de vulgarisation) scientifique ;
  • Stratégies et modalités discursives dans les textes de « désintox » ;
  • Caractéristiques rhétoriques de la manipulation discursive dans les textes colportant des fausses informations ;
  • Les stratégies d’évitement et de censure ;
  • Le rôle de la traduction dans la transmission de fausses nouvelles ou des informations trompeuses.

Les approches transdisciplinaires seront les bienvenues. Langues du colloque : français, anglais, italien.

Personnes connectées : 1